La pénurie de médecin touche même la région parisienne

En Île-de-France, le département de la Seine-et-Marne (77) qui abrite des villes comme Melun, Meaux ou même le parc d’attractions Disneyland Paris, n’attire pas non plus ces professionnels du soin. Avec un ratio d’un médecin pour 496 habitants, sa situation est même pire que le département de la Nièvre qui compte un médecin généraliste pour 433 habitants, selon les chiffres de l’INSEE de 2023. Membre de l’Association des maires ruraux de Seine-et-Marne et maire de Champeaux (828 habitants), Yves Laguës-Baget pointe les raisons particulières qui pénalisent l’attractivité de ce territoire pourtant dynamique. 

Depuis combien d’années constatez-vous le manque de médecins dans votre département ? 

Ce phénomène date de la fin des années 2000. L’offre de soin ne cesse de décroître, tandis que le nombre d’habitants de Seine-et-Marne a tendance à s’accroître car on est en périphérie de Paris.

Entre 2015 et 2021, notre département a gagné plus de 40 000 habitants selon l’INSEE, alors que durant la même période, nous avons perdu 158 médecins généralistes et spécialistes. Dans ma commune, Champeaux, nous comptions dans les années 1990, trois médecins. Depuis, l’un est parti exercer en province tandis que l’autre est à la retraite. Aujourd’hui, nous n’en avons qu’un seul pour 800 habitants.

Comment expliquer que de nouveaux praticiens ne prennent pas la suite ?

Notre département est très rural, avec des surfaces agricoles qui couvrent une grande majorité du territoire. Les communes de l’Est de la Seine-et-Marne sont les plus touchées par ce manque de médecins, car elles se situent loin de Paris et des grands centres urbains comme Meaux ou Fontainebleau. Bien souvent, seules les petites routes départementales nous relient aux plus grandes villes. C’est pourquoi la majorité des habitants privilégient la voiture aux transports en commun qui sont, malheureusement, assez peu nombreux dans nos campagnes. Pour relier Champeaux à Melun, il nous faut seulement 15 minutes en voiture, alors qu’en bus, il en faut plus du double ! Les difficultés de déplacements causées en partie par le manque de transports en communs, peuvent décourager les étudiants et les jeunes médecins à venir s’installer dans notre département.

Comment avez-vous réagi ? 

Ça fait longtemps qu’on réfléchit à ça. On sait qu’aujourd’hui, un médecin ne veut plus travailler seul, mais en équipe. Dans notre commune, nous avons le projet de regrouper notre médecin généraliste, notre ostéopathe ainsi que deux infirmières dans une maison de santé. J’espère que ça va se concrétiser car construire une maison de santé coûte très cher, jusqu’à plusieurs centaines de milliers d’euros. On est aidé par la société d’économie mixte Île-de-France Investissements & Territoire, elle-même dirigée par la région. Elle investit dans les territoires en finançant les structures ou les équipements pour essayer d’endiguer ce phénomène de désertification. Et au niveau départemental, les villages de Seine-et-Marne sont tous dans le même bateau, c’est pourquoi nous évitons de nous voler nos médecins.

Certaines communes ont opté pour les financements des études des futurs médecins, tandis que d’autres ont misé sur les téléconsultations. Quel est votre avis sur ses stratégies ? 

Financer les études, ça s’est déjà fait dans notre département. Mais cela ne règle pas le problème du logement et de la mobilité. C’est compliqué pour nos villages d’offrir aussi un véhicule aux jeunes étudiants en médecine pour qu’ils puissent rejoindre la gare et rentrer chez eux à Paris ou Créteil à la fin de leur journée de stage. Il est donc difficile d’inciter les jeunes médecins à venir dans nos campagnes. Toutes les villes ne sont pas sur le même pied d’égalité. Les plus “argentées” et les plus grandes n’hésitent pas à faire des ponts d’or à certains médecins, avec des primes atteignant parfois jusqu’à 10 000 euros par an, pour qu’ils viennent s’y établir. Je trouve indécent d’offrir des primes à des médecins. Quant aux téléconsultations, il faut y passer. Nous en avons une dans notre pharmacie et même dans notre communauté des communes. C’est mieux que rien.