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Au cœur de la formation des jeunes footballeurs du DFCO

Avec de nouvelles installations, le club phare de la Côte-d’Or, Dijon Football Côte-d’Or (DFCO), ouvre ses portes aux jeunes footballeurs. Entre cours et entrainements, ces futurs espoirs partagent leur quotidien au centre de formation. 

— Ce reportage a été initialement publié en février 2023 sur Shorthand sous le titre « Au cœur de la formation des jeunes footballeurs »
Des jeunes joueurs au centre de formation du DFCO

Les jeunes joueurs commencent leurs premiers entrainements au DFCO après son aménagement. © Vincent Constant

Devant le hall d’entrée du bâtiment principal du centre de formation du Dijon Football Côte-d’Or (DFCO), quelques enfants semblent un peu intimidés face aux nouvelles installations du club phare de la région, inaugurées en juin 2021. Les parents les suivent d’un peu plus loin, mais restent à distance raisonnable, pressant le pas pour suivre la petite troupe. Leurs grands sourires et leurs blagues semblent masquer le stress.

Accueillis par Thomas Fabre, le responsable du recrutement, les adultes restent dans le hall pour boire un café. Les jeunes passent par l’amphithéâtre du centre avant de pouvoir jouer au football. Des dizaines de joueurs viennent régulièrement réaliser des essais. Si leur talent est reconnu par les éducateurs du club, un contrat « jeune » sera proposé aux parents et à l’enfant.

Dans l’imaginaire collectif, entrer dans un club professionnel peut avoir des allures de ticket en or, mais c’est sans compter sur les sacrifices que ces adolescents feront pour atteindre leur rêve : devenir footballeur professionnel.

« Le plus dur c’est dans la tête »

C’est ainsi que Kelvin a intégré le centre. Originaire de la Nièvre, ce milieu de terrain de 17 ans raconte son arrivée : « J’avais 13 ans et au début c’était compliqué. On ne s’attendait pas à l’approche d’un club pro. Je suis allé faire plusieurs essais et ça s’est très bien passé, je me sentais de mieux en mieux. Ce qui était compliqué, c’était de ne connaître personne, mais au fil du temps ça passe. »

Karamoko, un ailier de la même promotion que Kelvin, est réveillé par Laurine, une éducatrice qui entrouvre la porte de sa chambre. « C’est encore bien rangé ici, lance-t-elle ironiquement. On t’attend pour l’interview. »

L’ancien Parisien s’est rompu les ligaments croisés en septembre 2022. Il remarche, mais cette blessure a compliqué son quotidien. « Le plus dur c’est dans la tête. Je regardais les autres jouer, en plus je ratais les cours parce qu’avec les transports c’était impossible, se rappelle-t-il. Parfois je ne sortais pas de ma chambre, je ne parlais à personne, mais quand tu fais ça les journées paraissent trop longues. Donc je me suis investi, j’allais voir les entraînements, je faisais des activités de groupe et ça passait beaucoup plus vite. Les week-ends, je rentrais chez moi, ça m’aidait à me sentir mieux. Au début, je ne l’avais dit qu’à mon père et je lui avais demandé de le garder pour lui. Même aujourd’hui certains de ma famille ne le savent pas, je ne veux pas les inquiéter. »

Pour Kelvin, le plus gros inconvénient de vivre au centre est l’éloignement avec sa famille, d’autant qu’il a un frère jumeau avec qui il avait des rapports « fusionnels ». « On s’y fait, c’est la troisième année c’est plus évident. Partir loin de sa famille ce n’est jamais facile, mais on sait que c’est pour l’avenir. » Le rythme, bien qu’intensif, laisse une place importante au travail scolaire. Les jeunes ont cours au lycée de 8h à 15h30 tous les jours. Ils reviennent au centre pour s’entraîner à 17h, puis dîner et enfin travailler lors d’une heure d’étude obligatoire. Un programme peu contraignant selon Kelvin : « Tous les jours se ressemblent. On n’a pas vraiment de temps libre, juste le week-end peut-être, on a un petit peu de temps pour aller en ville ou faire les magasins. Le rythme me convient. » Les deux coéquipiers sont scolarisés au Lycée Les Arcades à Dijon en filière Animation-enfance et personnes âgées. Depuis la chambre individuelle de Kelvin, on aperçoit l’un des terrains d’entrainement, où les jeunes à l’essai enchaînent les exercices. D’autres catégories occupent les rectangles verts et répètent leurs gammes avec application sous les directives des coachs.

« Partir loin de sa famille ce n'est jamais facile, mais on sait que c'est pour l'avenir »

Quelques chambres plus loin, la salle de jeux paraît bien vide. Karamoko lance une partie de Fifa sur la console collective, l’un des nombreux moyens de décompresser et de se divertir au centre. « C’est cool ici, sourit-il. On regarde les matchs sur le vidéoprojecteur, on joue au baby-foot, aux cartes, c’est vraiment une bonne ambiance. » Le sociologue Julien Bertrand assure que « cette bonne humeur contraste avec un environnement qui peut pourtant s’avérer compétitif et stressant. » Il a en effet consacré une thèse à la sociabilisation des footballeurs. Certains jeunes géreront d’autant mieux ce stress qu’ils seront titulaires, qu’ils auront déjà été sélectionnés en équipe de France ou auront joué dans une catégorie d’âge supérieure. « La sélection à la fin implique une concurrence à certaines périodes, sur certains postes, mais en même temps ils vivent ensemble et un esprit de solidarité se forme en fonction de l’origine géographique par exemple », décrypte l’universitaire.
Les éducateurs s’efforcent de « voir tous les jeunes régulièrement, parce qu’ils ne voient que rarement leurs familles », souligne Cédric Cottet, l’un des encadrants, au DFCO depuis 6 ans. « On est un peu leur famille, on essaie de les comprendre, d’être proches d’eux, de s’intéresser à leur vie, afin qu’ils se sentent épanouis pour que ça se ressente sur le terrain. Beaucoup cachent leur peur de l’échec, il faut creuser afin de s’en rendre compte et pouvoir les aider », développe l’éducateur.  Les jeunes sont également encadrés sur d’autres plans : le centre organise pour eux des actions de sensibilisation contre les violences sexistes ou l’homophobie, ou les assiste dans leur scolarité et leurs démarches administratives.

Les 24 occupants des logements du centre de formation ont tous entre 15 et 18 ans, ce qui représente la durée d’un contrat jeune. L’année de leur majorité, soit ils continuent dans le club, soit ils sont libérés. S’ils restent, ils peuvent emménager dans un des huit studios du centre, « juste ma chambre en un peu plus grand », relativise Karamako.

20% de taux de réussite pour les centres de formation

Le jeune Parisien, en fin de contrat en juin, ne veut penser qu’à un objectif : « Reprendre le football. Je ne me fais pas de souci, je sais que j’ai des qualités et que même si je ne suis pas conservé ici, je retrouverai un club. » La décision pour Kelvin et Karamoko leur sera communiquée quelques mois avant la fin de leur bail. Selon la Fédération française de football (FFF), en 2018, sur les 2 045 joueurs des 35 centres de formation agréés en France, entre 15 et 20 % seulement en moyenne signeront un contrat professionnel.

Seuls les entraîneurs ont une idée de la poignée d’élus, et ceux qui grossiront les rangs des très nombreux déçus qu’implique le football de haut niveau.