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Dans la petite entreprise d’un « Uber Dealer »

Connu sur les réseaux sous le pseudonyme LaFouine, Mael*, 24 ans, est un ancien « Uber Dealer » qui a vendu et livré des stupéfiants pendant deux ans à Besançon. Avant de se faire arrêter par la police fin 2022.
Une personne de dos avec une capuche

LaFouine : « L’argent que je me faisais avec la vente de drogues partait dans les sapes, les tatouages, la bouffe, l’alcool et la drogue. » © Valentin Loisel

« Au départ, je vendais pour financer ma consommation, en donnant rendez-vous dans des lieux publics. » LaFouine cherche ses mots quand il raconte ses débuts comme dealer en 2020. « Je me suis rendu compte que je pouvais générer énormément de profits, j’ai acheté 600 euros de beuh et j’ai commencé les livraisons. » Dans un premier temps, il fait le coursier auprès de ses connaissances.

Ecstasy, kétamine, cocaïne, LSD… le dealer n’a pas de problème pour s’approvisionner en grosse quantité de drogues : « Dans mon groupe d’amis, il y a toujours quelqu’un qui a un contact. Si je veux vendre quelque chose, je peux me fournir. » Cette facilité d’accès aux produits lui permet d’agrandir son réseau de consommateurs. Pour répondre à cette nouvelle demande, il décide de créer un compte Snapchat, appelé LaFouine : « J’ai ajouté les contacts que j’avais déjà, puis après c’est du bouche à oreille. Je faisais aussi du démarchage dans les skateparks, festivals et free-party, où je donnais mon contact Snapchat en laissant un échantillon.» Ses clients sont pour la plupart des habitués, particulièrement pour les drogues dures. 

LaFouine : « Je faisais aussi du démarchage dans les skateparks, festivals et free-party, où je donnais mon contact Snapchat. » © Valentin Loisel

Là où les livreurs de drogue ne sont que les petites mains d’une vaste organisation, le jeune homme a choisi de travailler à son compte.  Sa petite « entreprise » prend rapidement de l’ampleur. La journée, le jeune homme travaille en intérim à l’usine, à la chaîne, 25 heures par semaine. Le soir, y compris le week-end, il se consacre à cette activité de livreur très rémunératrice : « Je partais avec tout le matos et un planning de clients prévu. » Sa zone de livraison s’étend sur un périmètre de 50 kilomètres autour de Besançon.

Le pilier de son business est la vente de kétamine : « Si on la prend au kilo, c’est moins de 10 euros le gramme, pour une revente à 40 euros », explique Maël. Un marché fructueux mais le dealer consacre l’essentiel de ses gains à financer sa propre consommation de cette drogue. « J’en prenais tellement que je n’étais plus rentable là-dessus ». Sa dépendance à la kétamine lui fait aussi perdre la notion du temps pendant ces longues nuits de livraisons : « Tu tournes tous les jours en voiture dans les rues, avec une sacoche remplie de billets et de drogues, en étant défoncé. À l’époque, j’en avais rien à foutre de la vie ». Au point de manquer de vigilance.

 LaFouine : « La beuh c’était pas rentable mais j’étais obligé d’en vendre pour garder une certaine clientèle. » © Valentin Loisel

C’est à bord de sa voiture que LaFouine se fait arrêter : « J’allais au boulot avec tout mon matos de livraison, je n’ai pas vu que les flics me suivaient quand je me suis arrêté pour prendre une trace de kétamine. Dans mon sac, il y avait au moins 300 grammes de beuh et d’autres drogues, c’était fini pour moi », se souvient-il. 

Pour éviter le procès, Mael opte pour la procédure de « plaider-coupable » [la comparution sur reconnaissance préalable de culpabilité, ndlr]. Il est condamné à 6 mois de prison avec sursis. « J’ai eu de la chance, j’ai dit que je vendais pour payer ma consommation et que j’étais toxicomane. Alors que je faisais 3 000 euros de bénéfices par semaine », se vante l’ancien dealer. 

Aujourd’hui, il est suivi par une assistante sociale, lors de rendez-vous mensuels imposés par le tribunal, pour lutter contre sa toxicomanie. Même s’il consomme toujours, il assure qu’il ne remettra plus un pied dans la vente. « Depuis que je me suis fait arrêter, je ne vois plus les choses de la même façon. J’ai des proches qui sont morts et d’autres partis en cabane, ça refroidit. »

*NDLR : Le prénom utilisé a été modifié afin de protéger l’identité de l’interlocuteur