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Fitness : l’écologie en mode low-cost

Leader européen du fitness avec plus de 1400 clubs, Basic-Fit, et son modèle de salles de sport aux tarifs attractifs, promet, dès 2030, une neutralité carbone totale. L’une des salles les plus fréquentées de la métropole dijonnaise, le Basic-Fit de Fontaine-lès-Dijon, s’oriente déjà vers cet objectif. Mais atteindre cette performance demande encore beaucoup d’efforts.

Que l’on habite dans une grande ville ou non, difficile de n’avoir jamais entendu parler de Basic-Fit. Un orange flashy sur les murs des clubs et des sacs de sport siglés devenus l’un des accessoires les plus portés dans les rues, l’enseigne de fitness hollandaise a depuis une dizaine d’années pris d’assaut le paysage sportif des villes françaises. Rien qu’en 2023, la marque revendique sur LinkedIn l’ouverture de 135 centres. Une expansion record qui s’explique notamment par des tarifs accessibles et une communication efficace reposant sur son levier du « marketing gratuit » (le fameux sac gratuit donné à l’inscription). Le Basic-Fit de Fontaine-lès-Dijon a été l’un des premiers à être implantés dans la métropole dijonnaise et est l’un des mieux dotés en équipements. Les 1200 m² de la salle accueillent une cinquantaine de machines.

Ouvert en 2020, le Basic-Fit de Fontaine-Lès-Dijon est l’un des premiers de la métropole dijonnaise. © Sofiane Sefrioun

Mais depuis peu, la marque ne cherche pas seulement à se distinguer par ses prestations sportives. Les écrans de la salle diffusent en boucle un message affichant l’objectif de neutralité carbone en 2030.

Le message diffusé en boucle sur les écrans de la salle présentant l’objectif de neutralité carbone. © Sofiane Sefrioun

Bien que relégué en bas de page du site basic-fit.com, et rédigé en anglais, un onglet « notre feuille de route pour la durabilité » détaille ses ambitions. L’enseigne affirme vouloir « minimiser l’impact négatif de nos activités sur notre planète et plus particulièrement de réduire nos émissions de carbone. » Depuis 12 ans et la loi Grenelle II, les entreprises françaises de plus de 500 salariés doivent publier le bilan de leurs émissions de gaz à effet de serre, appelé aussi bilan carbone, et proposer un plan pour les réduire. Cependant, rien ne les oblige à agir drastiquement dans ce sens, et une minorité s’y engage. Sur son site internet, la chaîne de sport promet, elle, de « réduire nos émissions de CO₂ à zéro pour les émissions de scope 1 et de scope 2 d’ici à 2030. » Dans le jargon spécialisé, on distingue en effet trois “scopes”, une méthode pour catégoriser les émissions de gaz à effet de serre. Pour Basic-Fit, les émissions de scope 1 proviennent de la combustion de gaz pour le chauffage ou les douches. Les émissions de scope 2 relèvent de l’énergie que l’entreprise achète afin de faire fonctionner correctement ses clubs. « Ici, l’énergie qu’on achète, c’est pour les lumières et la musique qui restent allumées durant les créneaux d’ouverture, de 6h à 22h30 en semaine et de 9h à 19h le week-end », détaille Lenny Chaaboub, manager du secteur nord des Basic-Fit de Dijon. « Ensuite, seuls les tapis de courses (au nombre de 12, [NDLR]) et les escaliers ont besoin d’être branchés pour fonctionner, les autres machines sont auto-alimentées avec l’énergie de nos adhérents. » Il faut toutefois ajouter les six écrans leds qui diffusent des spots publicitaires et qui tournent en permanence même la nuit, un distributeur automatique et un distributeur de boissons.

Une partie de l’espace cardio, ses 12 tapis et deux escaliers, qui consomment énormément d’énergie à la journée. © Sofiane Sefrioun

« Il pourrait éteindre les écrans la nuit, je trouve ça inutile »

Lorsque l’on interroge des adhérents sur les solutions pour obtenir une neutralité en carbone d’ici à 2030, beaucoup n’ont pas de réponses claires et concrètes. « Déjà, il pourrait éteindre les écrans la nuit, je trouve ça inutile, personne ne passe devant après la fermeture ! » signale Benoît qui se rend au minimum cinq fois par semaine à la salle de sport. « Baisser le chauffage, il fait trop chaud. Quand on s’entraîne, la température monte rapidement, pas besoin d’avoir encore plus chaud ! » s’amuse Yanis, adhérent depuis cinq ans. Lancé en juin 2022, le plan de sobriété énergétique vise, selon le gouvernement, à « faire face au risque de pénurie liée à la guerre en Ukraine et l’objectif est dans les deux ans qui viennent, de faire un effort de réduction de nos consommations d’énergie (carburant, gaz naturel, électricité) de 10 % par rapport à l’année 2019. » Bien que ce plan soit seulement incitatif,  le manager de l’enseigne de Fontaine-lès-Dijon indique s’être senti directement touché par ces priorités, qui peuvent s’avérer, contre toute attente, compatibles avec le confort des clients : « dès le mois de juin, on a été touchés, il faisait plus de 30, voire 35 degrés dehors, mais on ne pouvait pas mettre la clim en dessous de 19 degrés car les adhérents se plaignaient, ils ne pouvaient pas s’entraîner dans ces conditions, alors on a négocié avec le responsable régional de Basic-Fit et on a pu baisser la climatisation» Ce sont donc les réclamations des clients qui ont permis à la salle de se rapprocher de ces objectifs vertueux.

L’enseigne a adopté depuis peu des mesures afin de réduire petit à petit sa consommation d’eau et d’électricité. Ainsi, tous les nouveaux clubs qui ouvrent disposent d’un éclairage LED moins consommateur d’électricité, et les clubs existants sont, eux, mis à niveau. « Dans cette salle, il y a eu quelques efforts de fait, les lumières du couloir menant aux toilettes et celles des toilettes sont à détection de mouvements », pointe Anne-Sophie, agent d’accueil à Basic-Fit. Pour la consommation d’eau, Basic-Fit affirme installer des douches à faible consommation, même si la température n’est pas réglable par l’usager et reste chaude en permanence. « Ici, on dispose de thermostat qu’on monte ou qu’on descend en fonction de la température extérieure et on demande aux adhérents s’ils veulent que l’on règle la température aussi », note l’employée de la salle de Fontaine-lès-Dijon. « Les produits de nettoyage sont écologiques, et les gobelets en plastique ont été remplacés par des gobelets en carton recyclés, ce n’est pas grand-chose mais c’est déjà ça. »

Un objectif encore lointain

Malgré l’ambition affichée, les marches à gravir vers la neutralité carbone restent hautes pour l’enseigne de fitness qui continue de s’expandre et d’engranger de nouveaux adhérents partout en Europe : elle est passée de 2,22 millions d’abonnements en 2022 à 3,75 millions en 2023, selon son bilan annuel. L’entreprise hollandaise devra à coup sûr proposer d’autres solutions concrètes, quitte à prendre exemple sur d’autres salles. Certains établissements sportifs se tournent en effet vers des équipements qui ne nécessitent pas d’électricité. Des salles de sports réfléchissent même à des solutions pour transformer l’énergie des sportifs en énergie électrique pour réduire leurs factures. « Actuellement, je pense que ça va être très compliqué pour cette enseigne d’atteindre ses objectifs », prévient Alexis Lepage, consultant chez Sami, une start-up qui conseille les entreprises dans la réalisation de leur bilan carbone. « Ce qui pourrait être intéressant, c’est de réduire la part d’adhérents qui se rendent à la salle en véhicules thermiques. L’enseigne pourrait mettre en place des bornes de recharge pour les voitures hybrides et mettre de plus grands parkings à vélo pour inciter les gens à venir autrement qu’en voiture. » Des efforts qui pourraient être aussi récompensés pour les abonnés les plus investis dans la diminution de leur empreinte carbone. « L’ajout de réductions sur les abonnements pour les clients venant avec un moyen de locomotion neutre en carbone pourrait être une bonne idée, mais c’est très difficile à mettre en place », reconnaît l’expert. « On ne peut pas subitement bousculer les habitudes des gens, d’autant plus que la salle est située en périphérie, la voiture est obligatoire pour certains.  C’est un défi de taille pour une entreprise de la sorte, mais cela fait partie du jeu ! »

Un jeu que l’entreprise peut avoir intérêt à jouer si elle souhaite être réélue à l’avenir “salle de sport préférée des français”, comme en 2023, selon un sondage du magazine 60 Millions de consommateurs, et pour éviter que ses engagements ne soient un jour taxés par des militants écologistes de greenwashing, autrement dit d’instrumentaliser la cause environnementale à des fins marketing pour soigner son image.