- 22 février 2024
- Presse écrite
Développer la biodynamie dans la viticulture
Apparue il y a un peu plus d’une vingtaine d’années sur le vignoble bourguignon, la biodynamie attire de plus en plus de viticulteurs. Caractérisée par une approche différente de la plante et de son traitement, la méthode biodynamique utilise des procédés éloignés de la viticulture conventionnelle, sans pour autant réduire la qualité des vins produits.
— Cet article est extrait de R45, la revue du master imprimée en février 2019, sous le titre « La vigne, un être vivant »
À l’aide de son pulvérisateur, le viticulteur arrose ses vignes de bouse de corne. Il permet ainsi d’édifier la structure du sol. © Orlando Niyomwungere
Juin 1924. Le philosophe spiritualiste germanique Rudolf Steiner donne une série de huit conférences à Koberwitz, en Pologne. Plus connue sous le nom de Cours aux Agriculteurs, ce cycle d’interventions magistrales donne naissance à la biodynamie. « Rudolf Steiner avait de grandes connaissances, il considérait la plante comme un être vivant, un être vivant qui vieillit », raconte Bruno Clavelier, viticulteur et gérant du domaine familial Bruno Clavelier. Ce dernier travaille la vigne de manière biodynamique depuis plus de vingt ans à Vosne-Romanée, à côté de Nuits-Saint-Georges. Durant l’entre-deux-guerres, l’industrie se développe et produit des éléments chimiques qui contribuent à accélérer le vieillissement des plantes traitées. « L’apport des produits de synthèse, c’est la mort de tout. Avec toute cette chimie, les sols mortifient, ils ne vibrent plus. Aujourd’hui, dans des lieux aussi magiques, on ne peut plus travailler avec des choses mortifères, il faut retrouver la vie dans la plante », explique le producteur vosnier avant d’ajouter : « La nature ne marche que par des équilibres. »
Une technique et un état d’esprit
De cette philosophie induite par la biodynamie découle une autre façon de travailler, une autre façon de s’occuper de la vigne. La méthode biodynamique s’articule autour de l’utilisation de deux préparations ayant des utilités bien particulières : la bouse de corne et la silice de corne. Contenues plusieurs mois dans une corne de vache enfouie dans le sol, la première est constituée de bouse de vache et la seconde de quartz finement broyé. Une fois sorties du sol, elles sont « dynamisées », un état obtenu après un brassage énergique effectué à partir d’une petite quantité de substance dans un volume d’eau chauffé à 37°.
Bruno Clavelier réalise avec son dynamiseur la plupart de ses préparations. Ici, il brasse énergiquement une quantité minime de substance dans une eau à 37 degrés. © Orlando Niyomwungere
Elles sont ensuite pulvérisées, au printemps et à l’automne, en fin de journée sur les sols (pour la bouse) ou tôt le matin sur la partie aérienne des plantes (pour la silice). Ce traitement permet d’édifier la structure du sol et de stimuler la résistance des plantes. D’autres préparations (aussi appelées tisanes) réalisées notamment à base de camomille, de pissenlit ou encore d’ortie, peuvent être utilisées dans le cadre d’une viticulture biodynamique. L’utilisation de ces élaborations spécifiques, au-delà du choix des saisons, fait sens avec la prise en compte des phases lunaires.
Lire aussi : Une cuisine qui trace sa route
La plante peut ainsi s’énergiser et se renforcer grâce aux puissances naturelles et à l’influence de la lune sur les liquides comme la sève des vignes. Toutes ces actions prennent du temps et demandent une main d’œuvre plus importante que pour la viticulture conventionnelle. Au-delà d’une simple et trop réductrice différenciation méthodologique, la biodynamie est surtout définie et animée par un état d’esprit spécifique. « Avec la biodynamie, on prend la plante dans son ensemble, des racines jusqu’aux feuilles. On considère la plante comme un être vivant entier. Car comme nous, la vigne subit les éléments », souligne Nicolas Rossignol, gérant, avec son frère David, du domaine Rossignol-Trapet depuis plus de 25 ans. Basé à Gevrey-Chambertin, le domaine travaille en biodynamie depuis la fin de l’année 1997.
L’expression du terroir
« À l’époque, avec mon frère, on faisait partie d’un groupe de lutte raisonnée en Côte-d’Or. On se posait énormément de questions sur les produits qu’on utilisait et sur la réduction des doses notamment, se souvient le gérant du domaine gibriaçois. On s’est vite rendu compte qu’en amincissant les pulvérisations avec du matériel en bon état et un contrôle régulier, l’efficacité n’était pas diminuée. Le basculement en biodynamie a eu lieu il y a une vingtaine d’années grâce à différentes formations et à la rencontre de plusieurs intervenants. »
« En Bourgogne, il n’y a pas de star chez les vignerons. La star, c’est le terroir »
Bruno Clavelier, viticulteur et gérant du domaine familial Bruno Clavelier
- Hugo Couillard
Biologique ou biodynamique ?
Découvrez nos vidéos